Les plus belles rencontres sont toujours celles auxquelles on ne s’attend pas ! Qui aurait pu prédire que j’allais croiser Damien entre un smoothie chou/betterave et des truffes aux fruits secs et aux graines, sur le festival Les Gastronomades à Angoulême ? Cet adepte de la raw food (ou « crusine ») n’est pas seulement un voyageur expérimenté, c’est aussi une star montante dans le monde du film d’aventures. Le genre de mec passionné qui a son univers bien à lui, qui rayonne à des années-lumières à la ronde et qui transmet ses ondes positives par bidon de 100 litres. Bref, tout ce dont on a besoin pour l’hiver! Décollage immédiat pour la Planète D avec Damien Artero.

1. Bonjour Damien, qui es-tu et que fais-tu de beau dans la vie ?

Damien Artero : Ouh là là… vaste sujet… Tu as la nuit devant toi ? Bon.

Je suis un bipède à l’esprit arborescent, aux jambes vagabondes mais aux racines familiales. Un végétalien non strict, majoritairement crudivore, bientôt quarantenaire, d’environ 1 mètre 78 et 64 kilos. J’aime la lumière, le rire, le contact, le partage, être remis en question, touché, bousculé.

Damien Artero, l'homme qui se cache derrière la Planète D

Damien Artero, l’homme qui se cache derrière la Planète D

Bon, accessoirement, je suis auteur-réalisateur indépendant de (livres et) films, en très grande majorité des films d’aventure sportive, que je partage sous le label Planète D. Ces derniers ont rapidement servi de prétexte à parler de causes, de personnes ou de sujets contribuant (du moins dans mon paradigme) à un monde meilleur, porteur de sens, de bonheur et de plaisir.

J’aime rapporter de bonnes nouvelles, faire le portrait de personnages source d’inspiration et de joie de vivre. J’aime que le public soit ému, interpellé, enjoué ; qu’il passe un fort et doux et bon moment. Qu’il se marre un bon coup, aussi. Voilà. Si c’est cela que le public trouve dans mes films, alors oui, c’est ce que je fais de beau dans la vie.

2. Comment en es-tu arrivé là ?

D.A. : En écoutant mon cœur.

J’ai commencé à écouter mon cœur en 2007 : je suis parti faire le tour du monde à vélo. Et j’ai eu la chance que la femme que j’aimais alors l’entende aussi et que ça résonne en elle – une femme magnifique, qui m’a aidé à m’accomplir et devenir qui je suis, quand bien même nous nous sommes séparés en chemin. Nous avons enfourché un tandem et avons voyagé en amoureux pendant 2 ans et demi.

Contrairement à ce qu'il y a écrit sur son t-shirt, Damien n'est pas rien !

Contrairement à ce qu’il y a écrit sur son t-shirt, Damien, c’est pas rien !

Ce périple m’a enseigné quelques menues choses sur la vie et sur moi-même :

  • D’abord, mon intuition de base – l’humain est fondamentalement bon – s’est vérifiée dans tous les pays traversés, et ce indépendamment de la culture ou du niveau social. Je suis un grand gamin et j’ai du mal à me confronter aux dures réalités de la vie. Je ne les ignore pas, je sais qu’elles existent – violence, misère, pollution… – mais pendant ce voyage et lors de tous mes périples depuis, le monde m’a toujours montré que le noir n’est que la partie émergée de l’iceberg et que sous la surface, loin des feux de la rampe, la base de la vie, c’est l’amour. L’image en est déformé par le prisme de nos médias, comme quand on regarde depuis l’air les fonds marins. Mais c’est là.
  • Ensuite, plus j’écoute mon cœur, plus je suis heureux et apte à donner du bonheur, qu’importent les conséquences puisqu’elles ne sont qu’extérieures à moi – quand à l’opposé, si je n’écoute pas mon coeur, les conséquences sont internes. Et là, la blessure est sévère.
  • Et enfin, accessoirement, il semblait que j’étais doué pour écrire et monter des films.

À notre retour, il semblait évident que j’allais écouter mon cœur et faire des films pour ramener des bonnes nouvelles du monde. CQFD.

3. Quelles sont tes sources d’inspiration ?

D.A. : Elles sont multiples, vraiment. Mais pas spécifiques à l’aventure. J’adore Tesson, comme beaucoup, mais il m’inspire en tant qu’écrivain, comme m’inspire Amélie Nothomb ou Daniel Pennac. Par contre, passer une soirée avec mes amis de Niort, qui voyagent à vélo, s’aiment depuis des décennies, communiquent, se choient, sont complices, ça c’est une source d’inspiration. Ou lire les messages d’une poésie de cristal de mon amie photographe Cindy, qui condense toujours en quelques lignes ce que la nature a de plus touchant à nous montrer, parfois sous des atours peu amènes. Ou bien, simplement, m’asseoir pour déjeuner chez mes parents et parler avec eux : prendre la mesure de leur sagesse, de leur ouverture et de leur tolérance (c’est que ce n’est pas facile tous les jours de m’avoir pour fils…), contempler le chemin parcouru, les valeurs héritées, la force transmise.

J’ai partagé certains de ces moments de grâce vécus l’été dernier dans « La balade des gens heureux« .

Il y a la musique aussi. Je vis en musique et elle me donne envie de convertir son énergie en images, de créer une fusion réussie entre visuel et sonore. Ça me porte. Souvent, j’entends une musique et elle me donne envie d’une séquence de film que je construis pour elle. Des artistes comme RiEN, Lay Low, Elder, Pink Floyd, Rachmaninov ou Chopin également. Leur musique est une des meilleurs réponses à la question « Pourquoi la vie ? ».

Ah et puis les Flying Frenchies. Tout ce qu’il font touche l’acrobate non-exprimé en moi et lui intime de se réveiller. Leurs projets sont d’une fragilité qui confine à la grandeur. Ils introduisent l’art dans leur moindre geste et font jaillir mille couleurs, mille émotions. Ils sont très certainement zinzins, mais moi j’aime ces zinzins là, je reconnais des frères en eux. « Heureux les fêlés, ils laissent passer la lumière »…

4. Un truc dont tu es le plus fier ?

D.A. : Aucune hésitation : mes deux filles. J’ai deux enfants solaires, lumineuses, qui vivent dans l’Amour, le partage et l’éveil, les câlins et le rire. Rien que de te l’écrire, je pleure… Elles sont un cadeau de la vie qui justifie et permet tout le reste.

Les deux pépites de Damien

Les deux pépites de Damien

Elles sont ma grande histoire d’amour, bien sûr. Ce qui n’épargne pas de faire un travail pédagogique constant, de se prendre la tête car elles ont des tempéraments trempés comme mes cadres de vélos, mais elles sont mes plus forts enseignants. C’est d’elles que j’apprends le plus, oui.

5. Quels sont les lieux de voyage et/ou de tournage qui t’ont le plus marqué et pourquoi ?

D.A. : L’arctique. Il m’a fallut tout apprendre et inventer de zéro pour gérer le grand froid, la lumière, le vent, le givre… Pour moi comme pour le matériel. Et une fois affranchi des contraintes techniques, tu découvres le Grand Nord. Ce n’est pas une mince affaire. Cela reste un des rares territoires sur terre où l’empreinte humaine est minoritaire autant qu’éphémère.

Tu n’es pas chez toi, en Arctique, et le milieu te le rappelle sans cesse. Perdre un gant en Laponie ou au Svalbard, c’est perdre une main.

Sous le soleil de l'Arctique

Sous le soleil de l’Arctique

Rien n’est anodin, ni la façon dont tu remontes ta braguette après avoir uriné, ni comment tu stockes ton eau ou ton carburant, ni où tu ranges ton couteau, car il peut percer un textile rendu cassant par le gel. Tous tes gestes quotidiens peuvent avoir des conséquences significatives, demain, tout à l’heure. C’est une leçon, administrée à coup de bourrasques givrantes.

Mutation au sommet - Un paraplégique à ski sur le toit du Svalbard, un film de Damien Artero - Planète D

Mutation au sommet – Un paraplégique à ski sur le toit du Svalbard, un film de Damien Artero – Planète D

Si ça t’intéresse, tu peux aller voir mon interview dans le magazine Le Chou Brave par ici ou visionner le making-off du film 71 Degrés Solitude Nord.

6. Il paraît que tu vis une bonne partie de l’année dans un fourgon aménagé, as-tu déjà effectué un roadtrip comme celui que préparent Laure et Marc (Cf. Le Terrier migrateur)?

D.A. : Pas vraiment, non. Mes « trips » sont par moyens doux, corporels. Le fourgon – Stanley de son prénom – est un outil de travail et de loisirs, et une extension de mon domicile. Il est équipé pour vivre en petite autonomie : petite cuisine avec installation photovoltaïque pour faire marcher blender, mixeur, extracteur, bouilloire ; 4 couchages, 4 à 7 places assises pour manger ; isolation grands froids et rideaux occultants thermiques – mais beaucoup d’espace modulable pour transporter du matériel de sport et d’aventure !

Stanley, le fourgon-maison de Damien et ses filles

Stanley, le fourgon-maison de Damien et ses filles

J’ai acheté le fourgon nu et vide, conçu et dessiné l’aménagement, puis mon ami Mich’ l’a réalisé avec professionnalisme et bon-sens. Tu peux le voir en photos ici.

7. Parle-nous donc de ton dernier film, « Tuani » ?

D.A. : « ¡Tuani! », c’est l’histoire de deux copains, Tibo et moi, qui partagent la passion du VTT freeride, une alimentation vivante (c’est à dire végétale et crue) ainsi que l’amour des voyages. Quoi de plus naturel alors que d’aller ensemble explorer le Nicaragua, pays d’abondance fruitière et volcanique ? En mode « fruits et légumes locaux », on s’est donné pour mission de trouver un volcan où faire du fatbike et d’aller courir sur d’autres.

Si je pratique l’alimentation vivante et les sports d’endurance depuis longtemps, Tibo s’est converti à la première voilà 2 ans et s’entraînait aux seconds depuis quelques mois seulement au moment du départ. C’est l’occasion de tester si le choix d’une santé naturelle et d’une alimentation vivante est pertinent dans le cadre d’une vie très active ! Car Tibo est un freerider aguerri et il se proposait d’aller réaliser des figures acrobatiques sur les cratères.

¡Tuani!, une aventure fruitée à fatbike freeride sur les volcans du Nicaragua by Damien Artero

¡Tuani!, une aventure fruitée à fatbike freeride sur les volcans du Nicaragua by Damien Artero

Bon… il y a quelques hics : la canicule fauche rapidement notre élan, et puis un volcan, ce n’est pas une gentille montagne avec un sentier balisé – plutôt un tas géant de gravats, de crevasses, de cendres et de fissures, dont l’éruption peut se produire un peu n’importe quand ! Les fruits pleuvent, certes, et les rencontrent chaleureuses se multiplient, mais on se demande si cela suffit pour mener à bien la mission aux multiples facettes qu’on s’est donnée… Il faut voir le film pour le savoir !

Plus qu’une aventure dévergondée, je voulais que le film « ¡Tuani! » déploie une enquête multiple : quelle est la validité scientifique et médicale de l’alimentation vivante ? quelles réponses éventuelles apporte-t-elle aux problématiques environnementales contemporaines ? Quelle agriculture pour demain dans un pays en développement comme le Nicaragua ?

On m’a fait cette analyse du film, que je trouve très pertinente :

« Tuani est un film assez inclassable, un film de qualité, surprenant et convaincant, réalisé avec efficacité et fraîcheur, une découverte du Nicaragua sous un angle très original, un road-movie du fruit… c’est un film qui a un peu l’esprit et la structure d’une BD d’aventure : de la fantaisie, de l’espièglerie, des héros un peu loufoques et intrépides, des bons dialogues, de superbes vignettes et des images esthétiques avec une forte plus-value documentaire… et en prime du beau son ! »

En ce moment je cherche à organiser des projections-débats de ¡Tuani! , si tu as des contacts que ça peut intéresser… N’hésite pas à faire tourner !

8. As-tu de nouveaux projets dans les cartons ?

D.A. : Pas de projets personnels de films, non, pas maintenant, pas tout de suite.

D’une part j’ai trop de projets en cours qui ne sont pas les miens :

  • une émission avec Irène Grosjean, tournée en juin, et dont j’ai tout juste récupéré les rushs et que j’espère publier pour fin février ou mars ;
  • un montage pour les Flying Frenchis ;
  • un documentaire voyage, environnement et sport, tourné pour et avec l’association Expé2M en octobre, en mer adriatique, que je dois écrire et monter ;
  • et puis une réalisation pour mes amis marathoniens de l’extrêmes, Christophe et Frédérique, qui vont courir le marathon du pôle Nord en avril et souhaitent que je réalise leur film. Autant te dire que je suis bien occupé.

Avec ça, je vis beaucoup avec mes filles, contrairement à l’image du « père toujours en vadrouille » que mes films véhiculent de moi . À l’année, je suis la personne avec laquelle elles passent le plus de temps et j’adore ça.

Comment résister à ce sourire ?

Comment résister à ce sourire ?

La plus grand fierté de Damien : ses 2 filles.

La plus grand fierté de Damien : ses 2 filles.

Enfin, je fonde un nouvel habitat groupé, à deux pas de l’actuel où réside la maman de mes enfants. Le projet en est à sa genèse, le groupe prend forme, il faut tout créer, tout faire, tout croire. Donc l’objectif 2017 c’est celui-là : me re-créer un lieu de vie qui corresponde à mes aspirations et mes valeurs et à celles de mes filles : jeu, partage, environnement, lumière, chaleur, solidarité, bien-être. Ça s’appelle Eden Circus…

9. Quels conseils pourrais-tu donner aux voyageurs qui aimeraient se lancer dans la vidéo?

D.A. : De ne pas travailler comme moi avec un Canon 5D ! le rendu est magnifique mais c’est si délicat…

Je leur conseillerais d’y croire, d’expérimenter toujours, de n’écouter personne, de tester pour soi et bien étudier le résultat, de faire plein d’erreurs mais de les dépasser. Comme dans la vie : « Se demander la perfection, essayer beaucoup, se tromper souvent, se pardonner toujours. »

10. Des résolutions pour cette nouvelle année ? Qu’as-tu envie de souhaiter aux lecteurs du Bar à Voyages en 2017 ?

D.A. : La même résolution que chaque année et toujours tenue jusque là : devenir meilleur. Et c’est tout le mal que je vous souhaite à tous. Soyez heureux, libres et vous-mêmes.

Magali : Merci d’avoir répondu à mes questions Damien !

D.A. : Merci de me témoigner cet intérêt, cela m’honore et me touche.


Pour en savoir plus et suivre Planète D, allez vite voir son site, c’est une mine de vidéos et de photos qui font rêver : planeted.eu.

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